E. Gilbert, Au Bonheur des filles


Vivian, jeune fille de 19 ans issue de la bourgeoisie américaine, fait le désespoir de ses parents en ne réalisant pas les ambitions universitaires qu’ils ont pour elle. Las, ils envoient leur fille à New-York, aux bons soins d’une tante dont ils connaissent (et condamnent paradoxalement) les excentricités. Tante Peg est en effet la propriétaire haute en couleur d’un théâtre populaire en plein Times Square. Émerveillée par les perspectives de la grande ville et influencée par les personnalités exubérantes qu’elle fréquente au quotidien, Vivian immature et frivole, se laisse emporter dans un tourbillon effréné de fêtes débridées, d’aventures répétées et sans lendemain. D’excès en excès, elle commet bientôt un impair qui lui vaut d’être renvoyée dans ses pénates. Si la leçon porte ses fruits, la jeune fille n’en saute pas moins sur la première occasion qui lui est donnée de retrouver New-York, toutefois dépeuplée et transfigurée par les affres de la Seconde Guerre Mondiale. Et si, c’est une femme plus sage et aguerrie qui se dévoile peu à peu, elle n’en reste pas moins indéniablement forte et indépendante.

Passé un certain âge, nous vivons tous dans un corps constitué de secrets et de honte, de chagrin et de vieilles blessures jamais guéries. Notre cœur peu à peu s’endolorit, et se déforme pour épouser les contours de toute cette douleur — et pourtant d’une façon ou d’une autre, on continue à aller de l’avant.

Ayant conservé une tendresse toute particulière pour son célèbre Mange, prie, aime, j’ai abordé le nouveau roman d’Elizabeth Gilbert avec confiance et impatience, quand m’a été donnée l’occasion de le découvrir en avant-première (par les éditions Calmann-Lévy que je remercie infiniment). Aussitôt reçu, aussitôt lu et apprécié sans aucune réserve.

Pour sa toile de fond historique et culturelle tout d’abord : une plongée endiablée dans la New-York des années 40 (et suivantes), dans le monde du spectacle, du théâtre, parmi les acteurs, les danseurs, les showgirls, les journalistes et les critiques d’art. Un cadre et une époque décoiffants de liberté, d’insouciance et de légèreté décrits en une fresque pertinente et documentée (je pense même que plusieurs références méconnues m’ont échappé).

Pour son histoire sémillante, captivante, facétieuse, mais qui sait aussi se faire plus grave, plus tendre au fil des pages, du temps qui passe et d’une époque qui s’assombrit et évolue.
Pour ses personnages complexes, attachants, aux réparties désopilantes, aux amours impossibles, aux liens indéfectibles, aux défauts (im)pardonnables, aux rédemptions inattendues, aux tempéraments, légers ou graves, mais résolument affirmés (sérieuse et si fidèle Olive, tu resteras dans ce roman mon coup de cœur absolu !)

Pour l’évolution réussie du protagoniste principal, Vivian, jeune fille influençable, superficielle, insignifiante et passablement agaçante, bientôt transformée en une femme libre de ses choix, forte de ses convictions, fiable et fidèle en amitié, “intéressante” et passionnée.

Pour son écriture enfin : Au Bonheur des filles est un roman d’apprentissage bien construit, enlevé, d’une certaine densité, mais qui se dévore en quelques jours et qu’on lâche difficilement !


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