Fabrice Caro, Le Discours


Je prononcerai ce discours à une condition, Ludo, une seule : que tu arrêtes de faire grincer ta fourchette dans ton assiette. Je pourrais tuer pour ça. Il y a des codes, Ludo, sinon c’est le bordel. Sept milliards de névrosés essayant de vivre ensemble, se faisant croire que c’est possible, qu’on ne tue pas pour un grincement de fourchette dans l’assiette, qu’on ne quitte pas son amoureux parce qu’il fait du bruit en buvant son café.
Lors d’un dîner en famille, Adrien, qui vient de se faire plaquer, apprend qu’il doit prendre la parole au mariage de sa sœur. Entre le gratin dauphinois et les tentatives de discours toutes plus absurdes les unes que les autres, il n’espère qu’une chose : que Sonia revienne. (quatrième de couverture)

On n'est jamais aussi seul que lorsqu'on se retrouve seul, le vide attire le vide. Un seul être vous manque et tous les autres prennent la fuite.

Bien que n’étant pas une grande amatrice de BD, je ne loupe aucune (ou presque) des parutions de l’inénarrable Fabcaro dont j’aime le regard à la fois acerbe et plein d’humour qu’il pose sur l’absurdité de notre société. Quand j’ai appris que l’auteur avait également un roman à son palmarès littéraire, j’ai été à la fois ravie et sceptique : allais-je être convaincue par du Fabcaro version longue ? Son propos ferait-il autant mouche en perdant sa formule lapidaire et dessinée ?
La réponse est un grand oui. J’ai eu le plaisir de retrouver dans ce texte le discours désopilant, satirique et décalé que j’espérais. De même que la franche critique des faux semblants inhérents aux relations de famille ou de couple (que l’on trouve notamment dans le récent et excellent Formica). Ce qui fait alors la différence ? Une petite dose d’émotion (inattendue) en plus. Le personnage d’Adrien n’est pas seulement cocasse et navrant, il est particulièrement touchant dans sa solitude, son anxiété, sa différence. Et, par extension, c’est tout le discours de l’auteur qui gagne en profondeur. Bref, M. Fabcaro, le roman vous va divinement bien (aussi) !

Fabrice Caro, Le Discours, Folio, 2020, ♥♥♥♥

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